Le jardinage urbain: explication d’un phénomène de société

« Végétaliser la ville » à Paris, « Visa vert » à Marseille, « Des fleurs sur mon mur » à Toulouse… Les mairies des grandes villes de France multiplient les initiatives pour encourager les citadins à fleurir l’espace public. Dr Jonquille & Mr Ail vous expliquent l’historique et l’intérêt de la nature en ville et du jardinage urbain.

Je suis le roi de la jungle : L’homme dompte son environnement

Il n’y a pas si longtemps (du moins à l’échelle de cette petite planète) Sherkan et Simba dominaient la savane, Baloo se baladait tranquillement dans la forêt. Sébastien, le fidèle ami d’Ariel, trimballait gaiement sa carapace de homard sous l’Océan.

Puis l’homme est arrivé, il s’est sédentarisé, a construit des villages, des villes fortifiées d’abord, puis pavées, finalement bétonnées. L’impact sur la biodiversité fut dévastateur.  Selon l’IPBES (Plateforme Intergouvernementale Scientifique et Politique sur la Biodiversité et les Services Ecosystémiques), 1 million d’espèces animales et végétales sont menacées d’extinction au cours des prochaines décennies. Les Baloos et les Simbas sont de moins en moins nombreux, mis en cage et marginalisés dans leur milieu naturel pendant que Sébastien s’étouffe avec nos déchets plastiques.

Et la flore dans tout cela ? Elle aussi a été domptée, enfermée, parquée, cloisonnée… Les terres sources de biodiversité sont progressivement appauvries par l’agriculture intensive et l’artificialisation des sols (trottoirs, routes, parkings, etc.). L’urbanisation est en plein essor, plus de 55% de la population mondiale vit en ville. Ce chiffre devrait atteindre les 70% d’ici 2050 selon le département des affaires économiques et sociales de l’ONU. En France en 2016 plus de 75% de la population vivait en ville selon l’Insee. Toujours selon l’Insee les zones urbaines occupaient 22 % du territoire français en 2010. La ville est donc la nouvelle norme pour l’homme. N’en déplaise à Jean-Pierre Pernault, les chroniques sur le monde rural sont vouées à décliner. “Mais dis-moi Jamie, si l’homme s’éloigne progressivement des espaces naturels, pourquoi ne pas amener la nature en ville ?”

Zadiste et Voltaire : histoire des jardins urbains

« Nous faisons le pari d’une ville végétale » disait Anne Hidalgo le 21 mai 2019 pour présenter son nouveau projet de « plus grand jardin de Paris » autour de la tour Eiffel. Le jardin, c’est en effet une représentation idéalisée de la nature qui est omniprésente en ville, avec les espaces verts et les parcs. D’abord nourriciers dès -3500 en Mésopotamie, les jardins devinrent progressivement médicinaux, puis ornementaux. En Europe, le XVIIe siècle verra le triomphe du jardin à la française se basant sur l’organisation rigoureuse de cultures débarrassées de nuisibles et de mauvaises herbes. Mais si le jardin de l’époque classique est réservé à une classe aisée, il deviendra au XIXe et au XXe siècles un symbole de lutte sociale.

Blog Dr. Jonquille & Mr. Ail - Jardinage Urbain

Les ‘diggers’, un mouvement protestant radical à qui on prête parfois la paternité de l’anarchisme, seront les premiers à sonner la révolte au XVIIème siècle en Grande-Bretagne (Ils portaient apparemment des « yellow jackets »). Leur leader Gerrard Winstanley mènera un mouvement de désobéissance civile en réquisitionnant des terres publiques pour planter des haricots et du blé afin « que nous puissions travailler en bonne vertu et poser les fondations pour faire de la terre un trésor commun à tous, riches et pauvres ». Jaurès n’aurait pas dit mieux.

Plus mesuré, l’abbé Lemire popularisera en France à la fin du XIXe siècle les jardins ouvriers pour nourrir le travailleur, le divertir et l’empêcher de dépenser sa paie au bistrot !

Guerilla Gardering: les prémices du jardinage urbain

C’est néanmoins aux États-Unis que les phénomènes de jardinage urbain vont massivement se développer. Dans les années 1970 l’artiste Liz Christy et sa green guerilla organiseront diverses actions transgressives pour rendre plus verte la moribonde Big Apple. Les friches sont barbelées et difficiles d’accès ? Peu importe nos maquisards du bitum ont leurs seed bombs ou bombes à graines, des graines de plantes sauvages enrobées de terreau et d’argile qu’on jette comme des grenades. Un phénomène est lancé ! les green gardeners rebaptisés guerilla gardeners se multiplient et prennent d’assaut les plus grandes métropoles à base de fleurs et de semis pour squatter les espaces vacants, exploiter les fissures du bitume, faire pousser des plantes verticalement sur les murs des immeubles…En 2019 le mouvement n’a jamais été aussi actif; les sous-gangs ont des noms de groupes de rap des années 80 et des concepts plus originaux les uns que les autres : les Bûcherons de l’Asphalte perforent le sol à la pioche pour grignoter des espaces de jardinage en ville pendant que les Guerilla Grafters pratiquent le greffon pour convertir les arbres publics en arbres fruitiers…

Végétalisons la ville

Tous ces mouvements ont créé une réelle opportunité pour les collectivités territoriales. Le jardinage urbain permet en effet d’égayer la ville, de limiter la pollution atmosphérique, de réguler la température, de favoriser la biodiversité et de créer du lien social, à moindre coût. En France, Paris a été la première métropole à lancer le permis de végétaliser en 2015. Le principe est simple, chaque riverain peut fleurir les pieds d’immeuble, les pieds d’arbres, les trottoirs… moyennant la soumission d’un dossier et le respect d’une charte (pas de pesticides, entretenir le site, limiter la hauteur des plantes…). Le programme a fait des émules dans de nombreuses villes comme Lille, Metz, Grenoble, Le Havre, Montpellier, Marseille, etc. À Bordeaux et Toulouse on peut même demander des travaux d’aménagement pour préparer des fosses de plantation dans la rue ! Pas d’excuses donc, que vous viviez en ville ou en campagne, en appartement ou en maison, que vous disposiez d’un balcon, d’un rebord de fenêtre ou simplement d’un trottoir propice au jardinage il est désormais temps de retrousser les manches pour verdir les espaces de vie et maximiser les pouvoirs de la nature ! Laurent Voulzy appréciera.

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