Quelle drôle d’apparence pour cet épi de maïs, tout sauf appétissant ! Vous pensez sans doute que ce maïs malade, moche et pourri est bon pour la poubelle. Pas si vite ! Résultat de la contamination d’un épi de maïs par le Ustilago Maydis, champignon pathogène, le huitlacoche, aussi surnommé « caviar aztèque » ou « truffe mexicaine », est en réalité une véritable mine d’or, de plus en plus prisée dans la gastronomie.
A la découverte du huitlacoche
Le charbon du maïs, maladie du maïs causée par un champignon parasite extrêmement compliqué à éradiquer, attaque l’épi et le transforme, faisant apparaître des excroissances grises et boursouflées sur les grains. Le champignon infectieux responsable du charbon du maïs se propage grâce au vent, profitant des spores microscopiques du maïs pour atteindre l’intérieur du plant. Le charbon du maïs apparait lorsque le champignon s’y loge et y germe, jusqu’à altérer l’apparence des grains, les transformant en moisissures disgracieuses de couleur foncée et boursouflées. Les grains de maïs infectés s’appellent des huitlacoche et valent de l’or au Mexique.
Redouté par les producteurs de maïs qui peuvent l’assimiler à un nuisible toxique dont il faut se débarrasser, le huitlacoche s’est pourtant introduit comme un mets de choix dans la haute gastronomie mexicaine. En effet, les fermiers mexicains ont su tirer le meilleur de ce champignon dont ils raffolent du goût et qui est considéré comme un mets traditionnel de luxe au Mexique.
Consommé depuis des siècles au Mexique, son utilisation en cuisine remonte à l’époque des aztèques, peuple indigène mexicain, dont le maïs était la base de l’alimentation et qui ont, par conséquent, rapidement intégré le charbon de maïs dans les plats traditionnels jusqu’à en faire une tradition culinaire locale.
Le huitlacoche dans l’alimentation
Derrière son apparence douteuse, se cache un intérieur noir à la texture douce et veloutée, et au goût terreux, boisé, voire fumé, rappelant un doux mélange entre le maïs et la truffe.
De quoi attirer l’attention des plus grands cuisiniers qui relèvent le défi de faire manger du maïs techniquement pourri dans leur restaurant gastronomique. Pari réussi puisque, derrière son extrême laideur, le goût unique et raffiné du huitlacoche sait conquérir les plus fins palais. De quoi nous rappeler que nos légumes n’ont pas besoin d’être parfaits et de respecter les « normes de beauté » du légume pour être délicieux.
Riche en protéines végétales et en glucides, le huitlacoche est beaucoup utilisé dans la cuisine mexicaine pour agrémenter les tacos, quesadillas et soupes afin de leur donner un goût unique. Le huitlacoche peut également être utilisé à des fins médicinales puisqu’il possède des propriétés anti-inflammatoires, il régule le système digestif, aide à l’absorption du calcium et renforce le système immunitaire.
Initialement connu au Mexique dont il est originaire, le huitlacoche est un aliment qui se répand peu à peu dans le monde, attirant la curiosité de plus en plus de chefs qui tentent de l’intégrer dans leurs créations. Mais malgré sa récente renommée mondiale, sa production reste plutôt limitée, faisant du huitlacoche un produit rare et cher. En effet, la saison de récolte de ce champignon est la même que celle du maïs, c’est-à-dire, de mai à novembre, mais les épis infectés doivent être récoltés 2 ou 3 semaines après l’infection lorsque le grain est gris et ferme sans attendre jusqu’à la maturation. Le huitlacoche ne peut donc pas être récolté en masse, aux vues de sa culture qui nécessite une incubation au champ, et pose des problèmes de transport sur de longues distances sous sa forme fraîche. Le huitlacoche reste donc un produit à quantités limitées, créant sa rareté responsable de son prix élevé.
Une nouvelle porte s’ouvre pour lutter durablement contre les nuisibles
La prise en popularité du huitlacoche est d’une certaine façon une belle manière de reconnaître les agriculteurs qui travaillent de manière durable. En effet, considéré en agriculture comme un nuisible capable de détruire une récolte entière, beaucoup de producteurs de maïs tentent de lutter tant bien que mal contre ce champignon. Ainsi, de nombreux maïs sont traités ou ont été hybridés pour résister à ce champignon. Rencontrer du huitlacoche est donc l’assurance que le maïs en question n’a pas été arrosé de fongicides, et n’a pas été transformé génétiquement.
Mettre en avant le huitlacoche est non seulement une manière de faire découvrir ce mets encore peu répandu à plus d’amoureux de la cuisine et du jardinage, mais aussi une façon de faire prendre conscience aux producteurs et jardiniers que tout nuisible n’est pas nécessairement à éliminer radicalement. Considéré comme un fléau dans d’autres pays, le huitlacoche est éradiqué par certains producteurs qui craignent la perte de leurs récoltes alors qu’il vaut en réalité bien plus cher que du maïs sain au Mexique. Il peut être intéressant de se demander si d’autres nuisibles pourraient être mis en valeur, pour être destinés à d’autres utilisations afin d’aider les agriculteurs et de lutter contre les nuisibles de façon plus écologique et durable. Non rassurez-vous, on ne parle pas de consommer tous les nuisibles du jardin, pas besoin de regarder les larves et pucerons de votre potager de travers. Mais cet exemple peut nous aider à mettre en avant une nouvelle manière d’aborder les nuisibles, qui peuvent certes être préjudiciables pour nos cultures mais qui peuvent jouer plein d’autres rôles bénéfiques au jardin. C’est le cas par exemple des adventices, ces « mauvaises herbes » que l’on trouve envahissantes mais qui, pour beaucoup, regorgent de vertus médicinales et agissent comme engrais verts au jardin, comme le pissenlit ou encore l’ortie qui peuvent être consommés.
Cette approche des nuisibles rejoint un des grands principes de la permaculture : dans la nature, rien ne se perd, tout a un rôle, dont on peut profiter si on sait le tourner à notre avantage.
Au fait, si vous vous posiez la question, le huitlacoche se prononce ouite-la-cotché.