Les semences bio sont-elles vraiment reproductibles ?

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Au cœur de l’agriculture biologique et du jardinage, la semence occupe une place stratégique : elle conditionne à la fois la productivité des cultures, l’autonomie des agriculteurs et la santé des consommateurs et des écosystèmes. Si le cahier des charges bio interdit les OGM et les semences non traitées, il autorise différentes méthodes de multiplication. Ce paradoxe soulève des interrogations essentielles sur la cohérence avec les valeurs de l’agriculture bio. Quels types de semences sont autorisés en agriculture biologique et pourquoi ? Quels facteurs influencent la capacité d’une semence bio à être ressemée fidèlement d’une génération à l’autre ? Le cadre réglementaire de l’agriculture biologique garantit-il l’autonomie semencière ? Décryptage.

Comprendre les graines bio et leur reproductibilité

Avant de sortir la loupe et le carnet de notes, clarifions les bases pour nourrir un avis éclairé. D’un côté nous avons l’agriculture biologique, un système de production s’appuyant sur les processus écologiques, comme la régulation des ravageurs par des organismes auxiliaires ou le recyclage de la matière organique pour maintenir la qualité des sols et de l’eau. Les semences bio sont ainsi produites en pleine terre, sans pesticides ou engrais chimiques de synthèse.

De l’autre côté, nous avons les graines reproductibles. Variétés population, graines non hybrides ou anciennes, les appellations sont multiples. Peu importe la dénomination, les semences reproductibles sont des semences qui donneront des plants au phénotype (couleur, forme, goût) similaire année après année. Ce cahier des charges permet, récolte après récolte, de différencier les caractéristiques d’une variété par rapport à une autre de la même espèce. Les caractéristiques intrinsèques, comme le petit calibre, la couleur rouge et la forme ronde de la tomate cerise miel du Mexique lui permettent de se distinguer de la tomate black cherry. La renommée de certaines variétés anciennes a fait date. On retrouve par exemple les semences de betterave Crapaudine et de chicorée cornet de la Loire dans le catalogue Les plantes potagères de 1883 de Vilmorin-Andrieux.

Bien que les principes de l’agriculture biologique et la génétique des semences reproductibles concourent à des objectifs similaires, produire en respectant l’équilibre des écosystèmes, les semences bio ne sont pas forcément toutes reproductibles. Les semences issues d’OGM, les semences traitées chimiquement avant ou après récolte et celles obtenues par mutation induite (mutagenèse) sont prohibées. En revanche, les variétés population et les hybrides F1 sont autorisés à condition qu’ils soient produits selon le cahier des charges bio. Au regard du cahier des charges de l’Agriculture Biologique, la différence entre semences bio et conventionnelles ne réside donc pas dans la capacité à se reproduire, mais dans le mode de production. On vous explique pourquoi.

Plants qui poussent dans de petits pots sous serre

Les variétés hybrides et leur impact sur la reproductibilité

Lorsque le pollen des plantes est utilisé pour féconder les fleurs d’une autre variété de la même espèce, la graine qui en résulte est appelée hybrides. On appelle F1 les hybridations de lignées pures de première génération (First 1). Ces semences sont issues d’une sélection très précise entre deux plants aux qualités complémentaires. Résultat ? Des plantes ultra-performantes : rendement élevé, résistance aux maladies, uniformité presque militaire.

Les semence hybrides F1 (HF1) sont des produits qui ne sont pas adaptés à la reproduction. Si vous récupérez les graines d’une tomate hybride F1 vous obtiendrez votre lot de surprises. Les plantes auront tendance à revenir à la génétique de l’un de leurs parents et produiront des résultats inattendus en termes de goûts, forme, productivité. « La nature commet un incroyable blasphème dans nos sociétés mercantiles, elle se reproduit gratuitement » disait le président de Kokopelli en 2019 dans le magazine Cash Investigation sur France 2. C’est le cas pour les semences reproductibles, mais pas pour les semences hybrides. Pour maintenir des variétés hybrides, les semenciers doivent manuellement reproduire le travail de pollinisation. Impossible de reproduire une variété HF1 au jardin ou à la ferme, il faut racheter tous les ans des semences parfois très onéreuses aux spécialistes de l’hybridation.

Dans les cultures potagères, ces hybrides sont très présents. En 2019, toujours selon le reportage des équipes de France 2, elles représentaient 98 % des tomates vendues aux producteurs de légumes en France. À l’inverse la sélection et l’utilisation de variétés population restent marginales, cantonnées au jardin, à la ferme ou aux producteurs engagés.

DJMA - L'application de jardinage

Les bénéfices des graines reproductibles pour votre santé et l’environnement

Pourquoi tant d’efforts pour choisir des graines à la fois biologiques et reproductibles ? Parce que les bénéfices de la graine reproductible vont bien au-delà du jardinage et du potager.

D’abord, la santé. Les variétés population sont majoritairement plus riches en nutriments que les hybrides modernes. Plusieurs études ont comparé la composition nutritionnelle des variétés et ont observé des différences significatives de teneur en minéraux et en composés bioactifs (antioxydants). Ces variations seraient directement liées à la génétique de la graine, pas seulement au mode de production. Donald Davis, chercheur à l’Institut biochimique de l’université du Texas nous explique pourquoi « Les efforts pour cultiver de nouvelles variétés offrant de meilleurs rendements, une résistance aux insectes et une meilleure adaptation aux conditions météo ont permis aux plantations de croître plus et plus rapidement, mais la capacité des variétés à produire des nutriments n’a pas suivi cette croissance rapide ».

Ensuite, l’environnement. Semer des graines reproductibles c’est préserver la biodiversité. Les variétés non hybrides ont en effet une importance agronomique, écologique et patrimoniale. Tout d’abord parce que chaque individu issu de semence reproductible est légèrement différent génétiquement des autres individus de la même espèce ou variété. Tout en gardant leurs caractéristiques majeures, cela leur permet aux plantes de coévoluer avec leur environnement et de s’adapter aux territoires. Quand le climat devient instable ou qu’un nouveau ravageur apparait, une population de plantes diversifiée survit mieux qu’une culture uniforme.

Côté biodiversité, les variétés population produisent souvent plus de pollen et de nectar que les hybrides qui ont une floraison courte et simultanée.

Enfin chaque variété non hybride est un réservoir unique de gènes. Les variétés reproductibles ont un réel intérêt patrimonial en encodant des résistances oubliées, des adaptations géographiques (altitude, sécheresse, sols pauvres) et des qualités nutritionnelles, médicinales ou gustatives rares et évolutives.

Pourquoi les hybrides sont acceptés en bio

Les hybrides F1 sont acceptés en agriculture biologique parce qu’ils sont obtenus par croisements assistés par l’homme de manière naturelle. Aucune modification génétique en labo, mutagénèse ou OGM n’entre en jeu. Partant de ce principe il n’y a aucune raison d’empêcher la certification bio. Le cahier des charges pour les semences biologiques se concentre sur la méthode de production, et non sur le fait que la variété soit reproductible par le jardinier ou l’agriculteur. Donc lorsque vous achetez des semences bio, vérifiez quelles ne soient pas hybrides.

Paradoxalement les F1 peuvent apporter vigueur, rendement et résistances aux maladies, ce qui peut réduire les traitements néfastes autorisés en bio comme le cuivre. Le bio n’exige pas l’autonomie semencière ou la diversité génétique. Le cahier des charges bio impose des critères de production sans OGM et interdit l’utilisation de produits chimiques et d’intrants de synthèse. Il interdit les semences traitées, mais ne rend pas obligatoire la reproduction des semences à la ferme ou au jardin. Est-ce une contradiction par rapport aux objectifs de l’agriculture biologique ? On vous laisse vous faire votre propre avis !

Le choix des semences bio pour votre jardin

Passons aux choses sérieuses : pourquoi choisir des semences bio et comment choisir les bonnes semences bio et reproductibles (non-hybrides) pour votre jardin ? Ou acheter ses semences bio en France ? Premier réflexe : lire les sachets. Les mentions « variété population », « reproductible » ou « non hybride » sur l’emballage sont vos meilleures alliées. Vérifiez également le numéro de lot et le passeport phytosanitaire qui peuvent vous donner une indication sur la santé de vos semences.

Côté jardinage, adaptez vos choix à votre sol, à la date de semis, et à votre façon de cultiver. Accédez à des conseils de culture, avec l’application mobile Dr. Jonquille & Mr. Ail par exemple. Semer moins, mais mieux, c’est aussi ça le secret.

Enfin, testez ! Toutes les graines de légumes, de fleurs ou d’aromates ne réagissent pas de la même façon selon le climat ou l’année. Une récolte ratée, c’est une leçon gratuite. Et au jardin, les soucis poussent aussi vite que l’oseille !

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