Le trésor botanique caché de la Norvège

Depuis plusieurs années, nous entendons parler d’une chambre forte de semences située sur une île de l’Arctique. Elle a été présentée comme un lieu où sont conservées les semences du monde entier à l’abri du changement climatique, des guerres et des catastrophes naturelles. Eh bien, nous savons maintenant à quoi ressemble cette “chambre forte de semences” ! Et c’est encore plus étonnant que ce que nous aurions pu imaginer.

Qu’est-ce que la réserve mondiale de semences de Svalbard ?

Avec son allure futuriste et sa description digne d’un film apocalyptique, le Svalbard Global Seed Vault éveille les curiosités. C’est dans un bunker enfoui sous le permafrost, un sol gelé en permanence, dans une montagne près de la capitale de l’archipel norvégien du Svalbard (Spitzberg), à un millier de kilomètres du Pôle Nord, qu’est abritée la plus grande banque de semences au monde !

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En cas de catastrophe naturelle ou sociétale, qu’adviendrait-il de nos ressources alimentaires, garantes de notre survie ? C’est pour répondre à cette question que le gouvernement norvégien a créé un véritable outil de sauvegarde à long terme d’un patrimoine génétique de plus en plus menacé de disparition : la banque de graines mondiale, le Svalbard Global Seed Vault, abritant des semences du monde entier.

Petit tour de la réserve

Créée en 2008 grâce à un financement de la Norvège, la chambre forte appartient au gouvernement norvégien et est gérée par l’entreprise NordGen. La chambre forte abrite des milliers de semences provenant de banques de gènes du monde entier, dont le rôle est de conserver du matériel génétique, ici de plantes. Elle contient plus de 1 million de variétés de graines venues de presque chaque pays du monde et peut en accueillir jusque 4,5 millions, afin de préserver la plus grande diversité génétique possible de la planète au cas où nous en aurions besoin à l’avenir. Pour ce faire, la Norvège n’a pas lésiné sur les moyens : la chambre forte est protégée par quatre mètres de roche, des portes blindées en acier et un refroidissement constant pour maintenir une température de -18 degrés Celsius.

Le Svalbard Global Seed Vault est la plus grosse réserve mondiale de semences mais aussi la mieux protégée : L’emplacement de la chambre forte a été choisi pour son éloignement de toute menace potentielle pour les espèces végétales et leurs graines. La Norvège est un pays stable, reculé et donc difficile d’accès, offrant des conditions de congélation constantes et naturelles, qui assurent qu’en cas de coupure de courant, les semences pourront tout de même être conservées de manière optimale. La chambre forte est également placée à 130 mètres au-dessus du niveau de la mer pour éviter une submersion en cas de fonte des glaces, une « éventualité » de moins en moins négligeable.

Banque mondiale de graines - Blog - Dr. Jonquille & Mr. Ail

©  GLOBAL CROP DIVERSITY TRUST

Un projet d’envergure mondiale

Le projet rassemble une centaine de pays qui s’engagent à fournir des semences à conserver. De nombreux pays possèdent déjà leur propre réserve génétique, il en existe 1700 au monde, mais celles-ci peuvent ne pas être aussi sûres à cause d’instabilités (politiques, climatiques, financières…). Le Svalbard Global Seed Vault représente alors un filet de sécurité face aux catastrophes naturelles, maladies, guerres, ou autre instabilité pour ces banques de gènes, et permet de préserver les graines de plantes d’intérêt alimentaire et la biodiversité pour les générations futures. Parmi les échantillons conservés dans le Svalbard Global Seed Vault, 400 000 sont d’ailleurs des copies de semences déjà détenues par d’autres banques de semences internationales. Ces doublons garantissent que, quoi qu’il arrive dans une installation donnée, l’agriculture peut continuer sans interruption.

Avec toutes ces précautions, l’objectif de cette chambre forte est donc de fournir une police d’assurance à l’humanité, un système de secours en cas de catastrophe naturelle ou sociétale (tremblement de terre, tsunami, guerre, effondrement économique…) qui mettraient nos banques de semences actuelles en danger. Ainsi, les états peuvent bénéficier d’un outil de sauvegarde à long terme d’un patrimoine génétique de plus en plus menacé de disparition et veiller  à ce que l’approvisionnement alimentaire du monde ne soit pas compromis par un événement majeur. En effet, la variété des cultures et de la biodiversité est vitale pour nous : La perte de toute culture pourrait être irréversibles et extrêmement dommageable.

La réserve de semences du Svalbard permet donc d’offrir aux pays du monde entier de stocker gratuitement et sur le long terme des duplicatas de graines de leurs banques de gènes. L’entrepôt appartient à la Norvège mais les graines déposées appartiennent aux Etats et institutions dépositaires, qui peuvent les récupérer quand bon leur semble. Ce fût d’ailleurs le cas en 2015 pour la première et seule fois jusque-là, lorsque la banque de gènes de la ville d’Alep a été endommagée par le conflit syrien. Le Centre International de Recherche Agricole dans les Zones Arides du demander à récupérer des graines pour les regénérer et les stocker dans des banques intactes au Liban et au Maroc. Un bon exemple de l’utilité de la banque de graines.

Banque de graines mondiale - Blog - Dr. Jonquille & Mr. Ail

Les limites d’une telle installation

Alors cette banque de graines permettrait-elle vraiment d’appréhender l’avenir plus sereinement ? Sera-t-elle suffisante pour contrer des catastrophes naturelles liées au dérèglement climatique ?

En 2016, la hausse des températures dans l’Arctique a entraîné la fonte du pergélisol et a provoqué une infiltration d’eau à l’entrée du tunnel de la réserve. Heureusement, aucune graine n’a été endommagée, mais la constatation reste inquiétante face à la fonte des glaces, qui arrive à affecter un bunker justement fait pour y résister. De plus, les conséquences d’un dégât des eaux dans le Seed Vault pourraient être dramatiques et entrainer la perte totale des graines stockées. C’est pourquoi en 2018, un financement a été obtenu pour améliorer le bâtiment, notamment à l’entrée de la réserve de graines pour éviter des infiltrations d’eau.

Cependant, on peut venir à se demander si un tel projet serait une solution suffisante pour faire face à un avenir incertain. On pourrait craindre en effet qu’une telle concentration des efforts de préservation nous détourne en réalité d’une solution bien plus efficace et durable : le développement de la biodiversité agricole, véritable clé pour la conserver. En effet, l’alimentation de certaines communautés paysannes dans le monde s’appuie sur des centaines d’espèces vivrières différentes, lorsqu’elle celle des pays industrialisés, après le passage à l’agriculture intensive, dépend en grande partie d’uniquement 4 cultures : le blé, le riz, le maïs et le soja. Cette pauvreté des espèces agricoles nous rend donc dépendants de chacune d’entre elles, nous mettant dans une situation délicate si une de ces 4 variétés venait à disparaitre.

Ces réserves de semences ont donc bien leur utilité, mais ne suffiront pas seules à protéger la biodiversité cultivée ou contrer les changements climatiques auxquels on fait face. Il est donc important de ne pas s’appuyer uniquement sur ce filet de sécurité pour envisager l’avenir, mais bien de favoriser la diversité des espèces agricoles.

Car on vous le rappelle : Tout commence par une graine !

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