Les 3 défis de l’agriculture moderne

Fin octobre 2020, alors que l’Europe se préparait à un reconfinement, le parlement européen a adopté la prochaine PAC (Politique Agricole Commune) de l’Union Européenne. Des obligations environnementales ont été ajoutées, mais nombre d’observateurs et d’eurodéputés ont jugé ces propositions insuffisantes pour amorcer une réelle transition du monde agricole. Pour bien comprendre ce besoin de transition, il convient de se poser quelques questions fondamentales. Peut-on nourrir la planète de manière responsable et économique ? Quel est l’impact de l’agriculture sur l’environnement ? Entre sécurité alimentaire et écologie, Dr. Jonquille et Mr. Ail pose les grands défis de l’agriculture moderne.

Le droit à l’alimentation

En 2014, dans sa définition du droit à l’alimentation le juriste Olivier de Schutter, alors rapporteur spécial auprès des Nations Unies, précisait que toutes populations devaient « avoir accès à tout moment à une nourriture suffisante, adéquate et culturellement acceptable ». Il précisait dans la seconde partie de sa définition que cette nourriture devait être « produite et consommée de façon durable, afin de préserver l’accès des générations futures à la nourriture. ». Cette définition exhaustive permet donc d’extraire les 3 grands défis de l’agriculture moderne :

1. Nourrir la planète

Au milieu des années 80 les terribles famines en Éthiopie – entre 200 000 et 1 million de morts – avaient suscité une forte émotion à travers le monde. De nombreux mouvements caritatifs s’étaient mobilisés et notamment la fondation USA for Africa avec son single We are The World vendu à plus de 20 millions d’exemplaires. « Il y a des gens qui meurent et il est temps de tendre la main à la vie » chantait alors Stevie Wonder. Pourtant 36 ans plus tard, la faim dans le monde est toujours d’actualité. « Après des décennies de baisse constante, la tendance de la faim dans le monde a repris en 2015 » peut on lire dans le rapport de 2019 de l’ONU sur la sécurité alimentaire. Cela représentait alors 820 millions de personnes en situation de sous-alimentation. Une situation alarmante qui risque de s’aggraver avec la crise du covid-19. Le 10 décembre 2020, David Beasley, Directeur exécutif du Programme alimentaire de l’ONU évoquait un risque de « pandémie de la faim », affirmant que 270 millions de personnes se dirigeaient vers des périodes de famine.

2. Limiter le gaspillage

La faim dans le monde persiste et pourtant la production agricole mondiale est excédentaire. 1/3 de la production mondiale de nourriture serait gaspillée selon la FAO et notamment 14% entre la récolte et la vente au détail. Limiter le gaspillage alimentaire implique de mieux stocker et de mieux distribuer les ressources en favorisant les circuits courts et en consommant des légumes imparfaits. Pour limiter le gaspillage les modèles de consommation devront évoluer en privilégiant une certaine forme de sobriété (manger moins de viande par exemple). Une meilleure planification à tous les stades de la production, distribution et consommation est par ailleurs nécessaire pour limiter les surplus et donc de réduire la pression sur les écosystèmes.

3. Passer de l’agrobusiness à l’agroécologie

Dans son dernier rapport sur le climat, le GIEC précisait que l’agriculture et la déforestation étaient responsables de près d’un quart des émissions mondiales de gaz à effet de serre. À ces émissions s’ajoutent divers phénomènes dévastateurs pour l’environnement causés par l’agriculture industrielle  :  l’érosion et l’acidification des sols, la pollution des eaux, la destruction de la biodiversité. Une transition depuis l’agriculture industrielle – impliquant monoculture, pesticides et engrais chimiques – vers une agriculture écologique (voir notre article sur l’agroécologie) – basée sur l’exploitation de ressources naturelles renouvelables et la production de services écologiques – est vitale pour « préserver l’accès des générations futures à la nourriture ». En 2009 le rapport de l’IASTD publié par 400 experts internationaux sous l’égide de la FAO et de la banque mondiale affirmait que cette transition était compatible avec des objectifs de sécurité alimentaire et même vitale pour assurer la viabilité des systèmes agricoles. 

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