Ce 5 décembre marquait la journée mondiale des sols. En cette occasion, et dans notre série d’articles visant à choisir son terreau en bonne conscience, Dr Jonquille et Mr Ail se penchent sur une de ses composantes : la tourbe. La tourbe, un fossile exploité et pourtant si décisif face au réchauffement climatique. Regards croisés.
Les tourbières, à bout de souffle
Les tourbières constituent les milieux humides, tels que les marais, dans lesquels se forme la tourbe. Des milieux spongieux qui représentent des réserves d’eau essentielles en vue de l’extension des vagues de chaleur. En effet, face à la sécheresse de notre planète, les ressources hydrauliques représentent une richesse à protéger. C’est alors dans un enjeu environnemental que s’ancrent les tourbières.
La tourbe se compose de deux couches distinctes, l’Acrotelme qui désigne la surface sur laquelle la végétation et sa décomposition sont rendues visibles grâce aux fluctuations des nappes phréatiques. Puis la Catotelme, une couche inférieure submergée en continu par la matière décomposée de la tourbe.
On retrouve, dans la Catotelme, des conditions anaérobiques. Signifiant un milieu dans lequel l’oxygène est absent, cela induit une végétation singulière. L’absence d’oxygène permet de distinguer les tourbières des simples milieux humides, car il induit un rythme de décomposition qui ralentit. De fait, l’accumulation de tourbes croît plus vite que sa décomposition, ce qui amène à la génération de matières uniques à ce milieu.
Une biodiversité exceptionnelle
Ces écosystèmes accueillent une faune et une flore très spécifiques et souvent menacées. Les tourbières sont des refuges permettant la conservation biologique.
Les tourbières, saturées en eau, offrent des conditions qui ne plaisent pas à toutes plantes. On y trouve des sphaignes, des joncs, du carex et des végétaux hygrophiles. Ces derniers sont des plantes exigeant une biosphère humide ou aquatique, tels que la mousse qui est un élément très présent et central dans les tourbières.
La composition des tourbières, une éponge de CO2
Les tourbes se forment par “géogénèse”. La tourbe se constitue de matières organiques et végétales, elle se forme grâce à un processus d’accumulation et de décomposition de cette matière dans un espace asphyxiant et spongieux. Elle constitue une ressource non renouvelable due à son extension temporelle. La décomposition de ces matières organiques s’étend sur des milliers d’années.
Le saviez-vous ?
Le préfixe “géo” provient du radical grec “gê” qui signifie “Terre”. Le suffixe “génèse” trouve également son origine dans le grec ancien, “génesis”, et se traduit comme “création”. De fait, la géogénèse désigne toute création terrestre.
La tourbe est l’étape intermédiaire entre la matière du sol en tant que tel et du lignite. Composée d’environ 50% de carbone produit par la matière organique, la tourbe constitue un élément clé dans l’absorption de CO2. Une imprégnation de carbone réalisable notamment grâce à l’effet d’éponge de la mousse. Dans un contexte de crise écologique, nous avons tout intérêt à conserver ces milieux.
La tourbe blonde, brune ou noire ?
Les tourbières produisent trois types de tourbes distinctes par leur niveau dans les couches terrestres, ce qui conduit à une différence de composition en matières organiques. On vous explique.
- La tourbe blonde se retrouve en surface du sol et se compose de mousses et de sphaignes. Elle est prélevée à un stade où sa décomposition est jeune, sa matière est fibreuse et aérée, ce qui lui permet de réguler le cycle de l’eau. D’un pH acide, elle a une capacité à rectifier l’acidité des sols.
- La tourbe brune se distingue par la présence de végétaux ligneux (arbres et bruyères). Plus âgée, elle se retrouve en profondeur dans le sol et connaît un pH neutre.
- La tourbe noire se compose de plantes vivaces issues de la famille des Cypéracées, telles que les joncs ou les carex. Semblable à sa sœur, elle détient un pH neutre en se nichant dans les profondeurs de la couche terrestre.
La tourbe se récolte donc en surface et en profondeur du sol. Pour extraire de la tourbe noire et brune, il nécessite de creuser sur une dizaine de mètres jusqu’à atteindre les gisements minéraux. Un travail qui amène à la dégradation de milieux fragiles.
Pourquoi exploiter la tourbe blonde ?
Utilisée comme combustible, notamment en Irlande, elle était considérée comme le “charbon des pauvres” dû à une capacité d’énergie fossile faible.
Aujourd’hui, plus reconnue au jardin, la tourbe purifie l’eau en filtrant les polluants atmosphériques contenus. Puis, elle la redistribue progressivement dans les cours d’eau. Le carbone filtré est ensuite stocké dans la matière organique produite. Comme nous l’avons évoqué précédemment, c’est de cette façon qu’elle libère du CO2 lors de son extraction.
S’ajoute à cela sa capacité à alléger les sols ou le substrat, d’où sa présence dans les terreaux ! Assurant l’aération du système racinaire de vos plants, les risques de pourrissement des racines et de maladies sont amoindris.
Par exemple, dans les régions où le sol est sableux, la tourbe blonde est mélangée au terreau et au sable pour servir durant les semis. Sa faculté à contenir l’humidité est un avantage indéniable pour la croissance des graines semées.
La tourbe blonde est exploitée au jardin à l’instar des variétés brune et blonde. D’une extraction plus complexe, car plus profonde dans le sol, les tourbes brune et blonde sont en étape de décomposition plus avancée. De fait, cette décomposition prolongée amène à une homogénéité qui réduit les capacités en rétention d’eau et à l’aération des sols. Deux composantes élémentaires au jardin !
L’exploitation des tourbières, un enjeu climatique
Il se distingue deux types d’exploitation des tourbières :
- L’exploitation in situ, comme les cultures installées sur des zones tourbières
- L’exploitation ex-situ, où se pratique l’extraction de la tourbe
Ces deux modèles engendrent des conséquences importantes. Composée principalement de carbone, la diminution de la tourbe induit une augmentation d’émission de gaz à effet de serre. Selon des études, menées en 2010, une réduction de 1 cm chaque année égale à 22 tonnes de CO2 par hectare.
Aujourd’hui, 80% des tourbières ont disparu en Irlande. Prélevée pour chauffer les foyers, près de 15% de la population irlandaise use de la tourbe comme ressource énergétique. Malgré une capacité de régénération de la tourbe blonde, la reformation de quelques centimètres de tourbe demande près d’un siècle de repos de la zone exploitée.
Or, la présence de tourbière représente un enjeu dans la réduction des gaz à effet de serre. Les tourbières absorbent 30% du carbone organique de la masse terrestre, et ont une capacité d’ingestion supérieure aux capacités forestière et atmosphérique cumulées.
Se dévier de la tourbe
Voici quelques alternatives de substrats visant à remédier à l’utilisation de la tourbe au potager :
- Le compost, notre number one ! Assemblez-le à un terreau de feuilles pour renforcer ses bienfaits.
- Le sable, pour apporter un peu de frivolité à votre potager !
- Les billes d’argile, utiles pour le drainage et le paillage, elles sont résistantes au temps !
- Le bentonite, ce mélange d’argile qui favorise l’aération des racines par une fonction d’imperméabilité.
- L’écorce de pin se combine à de l’engrais et de la chaux afin d’assurer l’aération de votre substrat.
Depuis 2002, ces écosystèmes sont protégés par le réseau Natura 2000. Le jardinage biologique devient une transition écologique inévitable, ce changement nécessite un accompagnement durant chaque étape au potager.
Dr Jonquille et Mr Ail vous souhaite un bon jardinage !
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