Jardin punk : le jardinage rebelle et engagé

Et si je vous disais qu’un jardin n’a pas besoin d’être parfaitement taillé pour être harmonieux ? Que le punk au jardin est synonyme de vitalité, biodiversité, santé ?

Propre, bien taillé, symétrique : c’est la vision qu’on a d’un jardin moderne et esthétique. Et si la vraie modernité c’était de laisser vivre la nature ? Voilà le but du jardin punk, un nouveau type de jardinage peu conventionnel.

Qu’est-ce qu’un jardin punk ?

Le jardin punk est un concept créé par le paysagiste et pépiniériste français Éric Lenoir, qu’il présente dans son ouvrage « Grand traité du jardin punk ». Vrai mouvement de rébellion jardinière au service de la conscience écologique, le jardin punk vise à minimiser l’intervention de l’homme au jardin pour laisser faire la nature et lui laisser reprendre ses droits. Cette méthode de jardinage (ou de non-jardinage) met en avant le désordre, le laisser-faire, le lâcher prise (économique et moral), allant totalement à l’encontre des conventions classiques du jardinage.

Jardin de Versailles - Blog - Dr. Jonquille & Mr. Ail
Jardin du Château de Versailles

C’est en fait l’inverse des jardins à la française, comme celui du château de Versailles, bien taillés, coupés, carrés. Il s’agit de laisser libre cours à la nature, avec quasiment pas d’intervention du jardinier, pour créer un jardin qui laisse la nature décider et non plus le jardinier, qui se contente d’observer et de laisser vivre ce qui l’entoure. Il ne s’agit plus de maîtriser et dompter la nature mais de la laisser libre.

 

“Être un jardinier punk, c’est être un jardinier qui refuse les règles quand il les trouve absurdes et qui essaye de coller un peu à son époque, à ses besoins et aux fonctions qu’il veut donner au jardin. C’est l’insoumission jardinière. Le jardin punk est libre. » affirme Éric Lenoir.

 

Bien plus que juste esthétique, le jardin punk est militant. C’est avant tout une démarche écologique. Un jardin bien propre, bien taillé se veut beau. Un jardin punk met en avant le vital, pour répondre aux enjeux environnementaux en amenant de la biodiversité au quotidien. On peut d’ailleurs dire que le jardin punk se rapproche très fortement des principes de la permaculture, qui met en avant le laisser-faire du fonctionnement naturel de la nature, l’adaptation, le recyclage.

Quels sont les avantages écologiques ?

Dans le contexte écologique dans lequel on vit actuellement, on rencontre une vraie nécessité de réintroduire la biodiversité au quotidien. Face à cette problématique, le jardin punk est la réponse parfaite, en permettant à la biodiversité de retrouver son équilibre, souvent perturbé par l’intervention de l’Homme. En effet, un jardin que l’on qualifie de « mal taillé » est bien plus accueillant et diversifié, puisqu’il peut accueillir plus d’insectes, de pollinisateurs, d’animaux, qu’une pelouse bien tondue, hostile à la vie de la biodiversité. Les jardins modernes trop entretenus sont en réalité des déserts de biodiversité qui prennent beaucoup de temps et d’argent à entretenir. Certaines interventions que l’on considère comme nécessaires au jardin peuvent en fait parfois lui être néfaste et sont donc à envisager d’une autre façon. Le jardin punk nous demande alors d’être le plus neutre possible face à la nature et d’apprendre à désapprendre certaines règles :

  • Les haies sont un bon moyen d’accueillir bon nombre d’espèces d’oiseaux qui peuvent y faire leur nid. Les tailler à outrance risque de limiter la présence d’oiseaux au jardin, pourtant si importants pour sa santé et sa diversité
  • Tonde l’herbe n’a aucune utilité autre que l’esthétisme et la rend même très vulnérable face au soleil qui la desséchera rapidement, mais également à la pluie que la terre absorbera avec beaucoup plus de difficulté, et la rend hostile à toute la biodiversité qu’elle aurait pu accueillir
  • Les mauvaises herbes ne sont souvent pas si mauvaises puisqu’elles agissent en réalité comme engrais naturels en nourrissant le sol et en aérant la terre, attirent les pollinisateurs de surcroît et peuvent même être très jolies si on leur laisse la chance de pousser. C’est le cas par exemple du pissenlit, souvent considéré comme une mauvaise herbe et injustement tondu.

 

Compte tenu de ces aspects, laisser pousser la végétation devient donc très intéressant du point de vue écologique, en redonnant sa place à la verdure, de plus en plus rare dans les grandes villes car mise de côté au profit du béton.

Jardin punk - Blog - Dr. Jonquille & Mr. Ail

Pourquoi créer un jardin punk ?

Les raisons d’adopter le jardin punk sont multiples :

  • Il y a tout d’abord bien sûr l’aspect écologique que nous avons mentionné précédemment : votre jardin ne sera plus seulement joli, il sera vivant et permettra de créer un havre de paix pour la biodiversité qu’il héberge.
  • L’esthétique : parce qu’un jardin punk, bien que peu conventionnel, ne vas pas à l’encontre d’un jardin beau. En le laissant vivre, vous pourrez découvrir de jolies espèces qui peuvent pousser naturellement et que vous ne soupçonniez pas. Vous seriez surpris de découvrir ce que votre jardin est capable de vous offrir de lui-même !
  • La réduction de la charge de travail : en réduisant l’intervention du jardinier, on réduit aussi considérablement sa charge de travail au jardin. Un jardin punk est bien moins exigeant.
  • Le gain de temps : qui dit moins d’intervention au jardin dit également moins de temps passé à l’entretenir et plus de temps à en profiter.
  • Le jardin punk est économique : il n’est pas cher à faire et à entretenir. Le jardin punk ne demande pas un outillage conséquent et sophistiqué pour le peu d’entretien qu’il demande. Pour entretenir son jardin punk, Eric Lenoir n’a besoin que du minimum syndical, il ne se sert que de trois outils : une faux à débroussailler, un couteau à couper les isolants naturels pour tailler les broussailles et les haies, et une houe pour travailler le sol.
  • La facilité : la création et l’entretien du jardin punk ne demandent pas de connaissances techniques approfondies, il fait davantage appel à l’observation et l’intuition du jardinier qu’à ses compétences. Ces deux derniers points (l’aspect économique et la facilité) montrent que le jardin punk rend le jardinage accessible à tous, en enlevant le frein de la connaissance technique et des moyens financiers : tout le monde peut avoir un jardin paysager beau et écologique à moindre effort, même avec peu de ressources financières et de compétences.
  • Le jardin punk est résistant : si certaines plantes commencent à pousser naturellement d’elles-mêmes dans votre jardin sans votre intervention, c’est que les conditions sont optimales pour qu’elles poussent en bonne santé (type de sol, climat, humidité…)

6 conseils pour créer son jardin punk

  • Pour créer son jardin punk, Éric Lenoir a d’abord observé son terrain pendant un an pour en faire un jardin expérimental où nature et biodiversité y sont respectés, et ainsi comprendre comment fonctionnait son jardin au naturel : qu’est-ce qui pousse ? Où ? Pourquoi ? …
  • Faire avec les végétaux présents sur place (grâce à la phase d’observation d’un an) : le fonctionnement du jardin punk se base davantage sur l’amélioration de ce qui est déjà en place et pousse naturellement. Les plantes n’ont pas besoin de nous pour pousser et pousseront d’autant mieux que le jardin est adapté à elles. Si certains végétaux ont poussé dans votre jardin sans votre intervention, c’est que les conditions de vie leur conviennent, ils seront donc résistants et propices à se développer, pour un jardin en bonne santé.
  • Faire des bombes à graines : les bombes à graines permettent de végétaliser un espace à moindre effort pour un résultat époustouflant. Elles permettront à de superbes plantes de prendre place dans votre jardin tout en reboostant la biodiversité. Pour faire des bombes à graines, rien de plus simple : Mélangez 10 cuillères à soupe de terre de votre jardin ou de terreau, ou 4 pastilles de tourbe à 8 cuillères à soupe d’agrile. Ajoutez un verre d’eau et mélangez avec vos mains. Ajoutez 1 cuillère à soupe de graines bio et reproductibles et remélangez. Formez des boules que vous laisserez ensuite sécher au soleil pendant un ou deux jours. Vous n’avez plus qu’à les lancer dans votre jardin, la nature se chargera du reste.
  • Ne pas faire grand-chose finalement : « Si vous voulez faire un jardin punk, la seule chose à faire, c’est de commencer par ne rien faire ».  Vous devrez certes intervenir de temps en temps pour entretenir votre jardin punk, c’est ce qui le différencie du jardin sauvage, car un jardin sans aucune intervention humaine tend à se transformer en forêt. Il sera donc nécessaire de le surveiller et de mettre la main à la pâte de temps en temps pour empêcher que certaines plantes prennent le dessus sur le reste afin de garder l’équilibre du jardin. Mais le jardin punk ne vous demandera que le strict minimum. Éric Lenoir affirme d’ailleurs : « J’ai un jardin qui fait 14 000 mètres carrés. Ça me prend cinq jours à entretenir par an. »
  • Lancez-vous sans trop vous poser de questions : le jardin punk ne nécessite pas de connaissances théoriques accrues et permet de lever la barrière de la connaissance et de la maîtrise parfaite : observez, essayez, laissez pousser, triez, c’est comme ça que vous apprendrez.
  • Profitez de votre jardin ! Si le jardin punk ne demande pas beaucoup d’entretien, c’est aussi pour vous permettre d’en profiter pleinement, car il sert aussi et surtout à ça ! Plutôt que de passer 90% de votre temps au jardin à l’entretenir, pourquoi ne pas plutôt le passer à en profiter ?

Visite du jardin de Eric Lenoir

Un commentaire sur “Jardin punk : le jardinage rebelle et engagé

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *